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Abdu Gnaba est anthropologue. Fondateur du SocioLab, il travaille sur l’évolution des entreprises sous l’angle des croyances, des imaginaires et des mythes. Selon lui, la différence entre deux acteurs économiques ne se fait plus sur des critères purement techniques, mais sur l’affirmation de valeurs, l’expression d’une identité et l’engagement sociétal. L’avenir appartiendrait aux missionnaires, plus qu’aux mercenaires ou aux fonctionnaires s’amuse-t-il à dire.

Abdu Gnaba - anthropologue
crédit photo : Vito Labelestra

 Ceux qui portent une mission ont le sentiment d’œuvrer pour quelque chose de plus grand qu’eux. Leur satisfaction ne s’arrête pas à des objectifs quantitatifs, mais les mène vers des critères qualitatifs, vecteurs de succès parce que garants d’un progrès collectif et individuel.

Qu’est-ce que la crise sanitaire nous révèle ?

Abdu Gnaba : Sans nul doute, la valeur qualitative du lien humain. Lors du confinement comme dans cette période où nous devons garder nos distances, ce qui manque le plus, c’est d’être avec l’autre, c’est de voir son visage, d’observer ses expressions, c’est tout ce qui est de l’ordre de la communication non verbale, du partage des émotions. L’homme est un être social, et la pandémie nous rappelle à quel point nous sommes liés les uns aux autres, pour le pire
(la contagion) et le meilleur (la coopération).

Est-ce que notre façon de travailler va durablement se modifier ?

Abdu Gnaba : La crise n’a fait qu’accélérer les mutations déjà à l’œuvre. Le temps où l’on achetait un produit ou un service pour sa seule fonctionnalité est révolu. La différence ne réside plus tant dans les différences techniques, que dans la valeur matérielle et immatérielle des marchandises, dans ce qu’elles représentent pour la communauté : acheteurs et consommateurs. Par exemple, la technique d’amorti des chaussures Adidas est scientifiquement mesurée comme étant plus efficace que celle de Nike, mais c’est cette dernière qui crée le plus de désir, et qui se vend le plus. De même qu’une marque ne se contente pas de vendre des objets concrets mais une représentation du monde, des valeurs, un imaginaire, de même la façon de commercer a considérablement évolué. À l’heure du digital, on peut dire que le cœur de la relation commerciale est justement dans la « relation ». Comme le dit avec humour Warren Buffet, la différence entre deux billets de 20 $, c’est le caissier. Le rôle de la qualité humaine prend tout son sens.

Comment ça se traduit ?

Abdu Gnaba : Par la mise en action d’un savoir être spécifique à l’entreprise, l’expression d’une culture qui fait d’elle une entité unique. Concepteurs, fournisseurs, partenaires et clients, tous souhaitent plus qu’avant se sentir appartenir à une tribu commune. Aujourd’hui, on n’échange plus seulement des produits, mais une façon de travailler, une manière de produire et une volonté de servir qui répondent à un projet plus grand que le seul intérêt commercial immédiat. La responsabilité sociétale et la prise en considération des rapports humains par exemple sont des données fondamentales.

Comment une entreprise peut-elle définir son savoir être ?

Abdu Gnaba : En révélant ses marqueurs identitaires. Ici, l’anthropologue social que je suis travaille comme ses collègues de l’anthropologie physique, ceux qui déterrent les vestiges de civilisations anciennes. Comme tout groupe humain, une entreprise se fonde sur un mythe fondateur, sur une raison d’être originelle : appelons ça « les raisons initiales de sa création ». Sur ce sol, les valeurs ont poussé ; ce ne sont pas des catégories abstraites mais des comportements, une façon de penser la relation commerciale et la vie dans l’entreprise. La dynamique de l’organisation dépend de ces deux premiers facteurs qui lui permettent de décrire sa vision, son système de croissance. Mythe fondateur, valeurs, vision : trois étapes pour définir le savoir être de l’entreprise et ainsi veiller à sa cohérence.

 

Donc si je vous suis bien, la crise sanitaire révèle notre besoin de liens, et ce besoin de liens détermine notre façon de travailler parce qu’il nous rappelle que fournisseurs et clients partagent plus que des intérêts financiers ?

Abdu Gnaba : C’est bien ça. Ils partagent une culture. La spécificité d’une entreprise, c’est sa façon d’être en lien ; son point de différenciation, ce sont bien les humains. Et puisque les rapports humains sont au cœur des échanges, nous observons que les entreprises qui s’adaptent le mieux à cette crise sont celles qui mettent l’humain au centre de leur stratégie. Pour le dire ainsi et utiliser l’enseignement d’un philosophe dont le nom fait souvent peur, une économie saine se fonde sur l’impératif catégorique de Kant : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen ». Traduisez « humanité » par « clients et collaborateurs » et vous entendrez ce que nous observons dans les entreprises les plus performantes.

 

Que retenir de votre expérience au cœur des entreprises ?

Abdu Gnaba : Qu’on ne se différencie plus par le produit, mais par la relation, par le savoir être qui s’exprime d’autant plus dans les moments compliqués. La différence entre la Fnac et Darty ne se fait pas seulement sur les produits mais sur le lien que chacune des entités entretien avec ses clients. Étonnamment, la recherche de lien qualitatif est encore plus importante en B to B qu’en B to C. Une entreprise qui connaît sa culture peut la partager, et réunir son écosystème interne et externe autour de son esprit.

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